Pionnier de la chirurgie maxillo-faciale pendant la Première Guerre mondiale
Le Dr Hippolyte Morestin (1869-1919), est un célèbre médecin et chirurgien français originaire de la Martinique, connu pour les restaurations faciales qu’il réalisa sur les soldats grièvement blessés au visage, à la mâchoire et au crâne, les « gueules cassées » durant la guerre 14-18.
Né à Basse-Pointe (Martinique) où il passe sa petite enfance, il est issu d’un milieu aisé : son père est un médecin réputé et influent à Saint-Pierre, surnommée à l’époque le Petit Paris des Antilles et sa mère fait partie de la classe des Blancs créoles de la ville. Rien ne laisse pourtant présager l’incroyable destin qui attend le jeune Hippolyte.
De Basse-Pointe à Paris : un parcours hors du commun
Mauvais élève et particulièrement turbulent au séminaire collège de Saint-Pierre, il fait le désespoir des religieux. Ses parents décident alors de l’envoyer à Paris poursuivre sa scolarité. Accompagné de son frère aîné, il quitte la Martinique à l’âge de 14 ans pour la capitale où il est interne au lycée Louis-le-Grand jusqu’à l’obtention du baccalauréat de lettres, puis de sciences. Il commence alors des études à la Faculté de médecine de Paris, réussissant brillamment à tous les examens et concours. Externe puis interne dans différents hôpitaux de Paris, il se fait remarquer par sa grande capacité de travail, une parfaite connaissance de l’anatomie humaine ainsi qu’une prodigieuse habileté manuelle. En outre dans toutes les opérations qu’il pratique (appendicite, tumeurs, angiomes, brûlures et autres lésions), il fait preuve très tôt d’un très grand souci esthétique, cherchant à altérer le moins possible le corps, à dissimuler les cicatrices et à reconstruire les tissus.
Sur le plan professionnel, sa réussite est remarquable : après l’obtention de sa thèse en 1894 intitulée Des opérations qui se pratiquent par la voie sacrée (consacrée la chirurgie au niveau du bassin), il devient un médecin réputé du Paris de la Belle Epoque, spécialisé notamment dans la chirurgie des articulations mais aussi des opérations du cou, de la bouche et de la mâchoire. Exerçant successivement à l’hôpital Saint-Antoine, Tenon et Saint-Louis, il s’adonne sans compter à son travail, n’hésitant pas à opérer des cas graves. Il participe aussi à de nombreux congrès de médecine à Paris, parfois à l’étranger et produit un nombre impressionnant de communications et écrits – plus de 600 tout au long de sa carrière- publiés dans différentes revues médicales de l’époque, témoignant de son souci constant de faire progresser sa discipline. Il est aussi à l’origine de plusieurs techniques opératoires (au niveau de la mâchoire, des épaules, des seins) mais aussi l’inventeur d’un appareil pour aspirer le sang et la salive, ainsi que d’une table d’opération légère et modulable assurant un positionnement adéquat du patient et facilitant grandement la tâche du chirurgien.
Sur le plan privé, c’est un homme ombrageux et solitaire il restera toute sa vie célibataire. D’un tempérament lunatique, il se montre souvent intransigeant et désagréable. Il sera de plus très affecté par la catastrophe de 1902 : lors de l’éruption volcanique du 8 mai détruisant totalement la ville de Saint-Pierre, il perd vingt-et-un membres de sa parenté ainsi que tous ses biens et souvenirs familiaux. Resté à Paris, il continue de se consacrer entièrement à son travail, ayant une clientèle nombreuse et fidèle. Il est en effet apprécié et reconnu pour sa bonté désintéressée et son grand dévouement auprès des malades. Agrégé de chirurgie depuis 1904 et professeur d’anatomie la faculté de médecine de Paris, sa carrière est donc depuis longtemps solidement établie lorsqu’éclate la guerre en août 1914 qui va faire basculer son destin.
Le médecin des « gueules cassées »
Le premier conflit mondial, dont beaucoup pensaient qu’il ne durerait pas, entraîne rapidement un afflux sans précédent de graves blessures au visage, au crâne et à la mâchoire. Le nombre et la gravité des lésions faciales infligées lors des combats obligent notamment les chirurgiens français, anglo-saxons et allemands à s’intéresser de près au traitement des patients ainsi défigurés. En France, on estime à 15 000 le nombre de grands blessés de la face (« gueules cassées »).
Mobilisé dans l’armée avec le grade de médecin aide- major, c’est en tant que chirurgien en chef de la cinquième division « blessés de la face » de l’hôpital du Val-de-Grâce, qu’Hippolyte Morestin devient responsable de l’un des plus importants services chirurgicaux spécialisés dans la chirurgie et la reconstruction faciales pendant la guerre. Au sein de son service, aidé de collaborateurs et d’infirmières dévoués, il développe et perfectionne diverses techniques chirurgicales, telles que des autoplasties utilisant des greffes cartilagineuses et adipeuses pour reconstruire les défauts tissulaires. Même s’il n’est pas le premier, ni le seul à appliquer cette technique, il contribue, par le biais de l’expérimentation et de la reproduction, à en faire une méthode novatrice et utile pour la reconstruction faciale. Les résultats obtenus suscitent l’admiration générale dont la presse médicale et grand public se fait l’écho. Grâce à lui, des progrès spectaculaires sont accomplis dans le domaine de la chirurgie maxillo-faciale et des milliers de soldats défigurés, soignés par lui avec toute la science requise que permettait les moyens de l’époque, retrouvent une part de leur humanité.
Ce chirurgien hors-pair à la forte personnalité aura une influence durable, notamment auprès de ses élèves et collaborateurs (Léon Dufourmentel, Raymond Passot, Suzanne Noël) qui poursuivront son œuvre et contribueront ainsi à l’essor considérable de la chirurgie esthétique durant l’entre-deux-guerres. Malheureusement de santé fragile – il souffre de la tuberculose depuis ses vingt ans- et se donnant sans compter à ses patients, Hippolyte Morestin meurt le 12 février 1919 à l’âge de 49 ans, trois mois après la fin de la guerre, probablement terrassé par le virus de la grippe espagnole. Sa disparition prématurée est un choc pour les blessés encore en cours de traitement, ainsi que pour ses confrères qui lui rendent de vibrants hommages.
Très connu de son vivant, y compris en dehors du milieu médical, le Dr Morestin sera pourtant assez rapidement oublié, excepté de quelques médecins et chirurgiens de France, des Antilles et des pays anglo-saxons qui redécouvriront son travail des décennies plus tard. Bien qu’il y ait trois rues qui portent son nom en Martinique – mais aucune dans l’hexagone-, le grand public ignore bien souvent l’existence, la vie et l’œuvre d’Hippolyte Morestin, qui est pourtant considéré de nos jours comme une sommité mondiale de la chirurgie réparatrice, un pionnier de la reconstruction maxillo-faciale et un précurseur de la chirurgie esthétique.
Xavier Chevalier, Conservateur en chef des bibliothèques
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